Demi-île de l’archipel de la Sonde, d’une surface de 19 000 km2, où vivent 737 000 habitants: une petite île, qui a tout de même une importance géostratégique et économique majeure.
Son histoire est, à bien des égards, exemplaire. Cette île martyre, colonisée par le Portugal pendant quatre siècles, occupée par les japonais pendant la seconde guerre mondiale, a été envahie le 7 décembre 1975 par l’Indonésie pour en faire une base militaire. Résultat : 200 000 Timorais massacrés, un tiers de la population. Cette invasion n’aurait pas été possible sans l’accord des Etats-Unis. Washington a armé et entraîné pendant plus de vingt ans les
unités engagées dans la lutte contre les indépendantistes.

[caption id="attachment_2665" align="alignnone" width="300"]Crédit : Le monde diplomatique Crédit : Le monde diplomatique[/caption]

En 1974, le nouveau gouvernement portugais issu d’un coup d’Etat militaire accepte le principe de l’indépendance de ses colonies d’Asie et d’Afrique. En 1975, la guerre civile éclate entre les deux factions politiques timoraises, l’Union démocratique de Timor (UDT) et le Front révolutionnaire de Timor indépendant (FRETILIN). Ce dernier parti déclare unilatéralement l’indépendance de Timor oriental. En décembre 1975, l’Indonésie envahit le territoire qui devient en juillet 1976 la 27ème province de la République indonésienne. L’annexion n’est pas reconnue par l’ONU.
L’impossibilité de pratiquer leurs coutumes, de parler leurs langues, les déplacements et réorganisations de population menées par l’armée indonésienne, dans le but de détruire les communautés afin de mieux contrôler le territoire, ont, paradoxalement, fabriqué une expérience collective de résistance. Déjà, à l’époque de la colonisation portugaise, les groupes ethnolinguistiques qui peuplaient ce territoire maintiennent une assez grande “autonomie”, grâce à l’éloignement, les maladresses et autres stupidités des colons portugais. Selon Amnesty International, pendant l’occupation indonésienne de 1975 à 1999, un tiers de la population aurait été tué par les bombardements, la famine et les assassinats systématiques, soit 200 000 personnes. Peu de familles ont été épargnées par l’invasion. Sans compter les déplacements forcés d’une grande partie de la population, les viols, tortures et autres. C’est l’un des plus terribles massacres de l’histoire récente.

En 1998, la chute du dictateur Soeharto a débloqué le dossier, et Djakarta a finalement consenti à la tenue d’un référendum au Timor-Oriental, mais a préparé, en sous-main, une répression au cas où la population se prononcerait pour l’indépendance. 78,5 % des timorais refusent l’autonomie interne proposée par le gouvernement indonésien. Le successeur de Soeharto, Yusuf Habibie ordonne la libération de prisonniers politiques. En 1999, le Conseil de sécurité de l’ONU adopte la résolution 1272, qui crée de l’Administration transitoire des Nations unies au Timor oriental (ATNUTO) jusqu’à l’accession formelle du pays à l’indépendance en mai 2002.
Après de longues tergiversations et après avoir obtenu l’aval de l’Indonésie, les Nations unies ont
déployé dans l’île une force multinationale sous commandement australien. Cette tardive intervention ne règle ni le problème des trois cent mille timorais déportés, ni celui du jugement des tortionnaires par un tribunal international. Elle ne peut pas non plus faire oublier les vingt-cinq ans de complicité occidentale avec la dictature de Djakarta.

Après le vote massif en faveur de l’indépendance en 1999, des soldats et des miliciens soutenus par l’Indonésie ont commis de nouvelles violences et ont détruit plus de 75 % des infrastructures.
Environ mille personnes auraient été tuées, les trois quarts des bâtiments détruits. Malgré la constitution de cours spéciales au Timor-Leste et en Indonésie, ainsi que la publication de plusieurs rapports, les principaux suspects ne sont jamais passés en justice.

Le pays, désormais indépendant, doit faire face à de nombreux enjeux :
Taux de fécondité le plus élevé de la planète, clivages sociaux, régulières flambées de violence, faiblesse des structures administratives et financières, expertise étrangère mal ciblée, macrocéphalie urbaine, etc.
Néanmoins, il faut se départir de tout catastrophisme en mettant l’accent sur le dynamisme des agriculteurs, sur la gestion prudente de la manne pétrolière et sur l’intégration régionale croissante d’un pays qui cherche toujours sa voie.
Il est qualifié d’Etat « le plus pauvre d’Asie ». Cette image, idée reçue, est problématique : le Timor touche un milliard de dollars de redevances chaque année sur l’exploitation des hydrocarbures. Il a même proposé en 2011 de racheter une partie de la dette souveraine portugaise outre qu’il connaît un vrai multipartisme, son Parlement compte 32 % de femmes, ce qui est mieux que dans la plupart des pays du monde. De 1999 à 2010, l’espérance de vie est passée de 56 à 62,5 ans, le taux d’alphabétisation est de 40 à 58 %, le produit intérieur brut (PIB) par habitant de 330 à 5 300 dollars. Selon les statistiques, 40 à 50% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, mais cette estimation est très contestable, car les trois quarts des habitants pratiquent une agriculture non marchande, largement autosuffisante. De plus, l’Etat s’efforce de subventionner les produits de base, ainsi que l’éducation et la santé, notamment à travers la gratuité de la scolarité et la construction d’un réseau de dispensaires.

Religion : 30 % de catholiques lors de l’invasion indonésienne en 1975 ; 98 % en l’an 2000. Le Timor a connu un très grand mouvement de conversions. Les croyances animistes locales, réceptives, puisent en situation de crises graves dans les religions chrétiennes des anciens colonisateurs, un complément de liens au sacré, refuge et protecteur. Les deux parties de l’île, chrétienne à 98 %, seront-elles capables de conserver leur identité ? Identité religieuse à Timor-Ouest, face au reste de l’Indonésie musulmane à 88 %, identité nationale à Timor-Est, où le rôle joué par l’Eglise catholique locale a été important dans l’accession à l’indépendance.