Littératures de l’archipel indonésien 

BIBLIOGRAPHIE Indonésie-Timor-Papouasie

En Indonésie, politique, langue et littérature ont toujours été fortement imbriquées, reflétant l’histoire de cet archipel, la lutte pour l’indépendance, l’émergence complexe d’une nation, les tensions entre tradition et modernité, entre unité nationale et diversité des peuples, entre identité et attrait pour l’occident.

(sources : Brève introduction à la littérature indonésienne, Franck Michel / Indonésie, les voies de la survie, François Raillon / Dictionnaire mondial des littératures, Larousse)

La littérature au Festival :

  • C’est une librairie thématique très fournie élaborée avec soin par une commission littérature, active toute l’année.
  • Des lectures tous les jours à 17h (sauf samedi et jeudi)
  • Une journée littérature : Jeudi 28 août 2014

Littérature indonésienne :
la belle et rebelle créativité des femmes écrivainEs

 

 

BIBLIOGRAPHIE Indonésie-Timor-Papouasie

Une importante littérature ancienne

Les Javanais et Balinais possèdent le Nagarakertagama et le Pararaton, épopées du royaume de Majapahit (15ème et 16ème siècles) et la Serat Centhini, épopée mystique et paillarde de 200 000 vers (17ème siècle). Les Sundanais possèdent une littérature dans leur propre langue. Les Bugis et les Makassar de Sulawesi ont aussi une tradition d’épopées, dont la célèbre Galigo. Dans l’ouest de l’archipel, l’essor de l’islam au 15ème et 16ème siècles se traduit par la floraison d’une littérature en malais d’inspiration religieuse, mais aussi héroïque et poétique (pantun). En parallèle, les littératures orales sont riches, (rites, contes, mythes, théâtre, etc.), notamment à l’est (Timor, Papouasie) et dans l’intérieur rural des îles.

L’époque coloniale

On considère que la littérature écrite indonésienne naît dès les années 1920, en malais, dans une perspective nationaliste. On y inclut celle écrite en néerlandais par des auteurs nationalistes. La plus éminente est Raden Ayu Kartini, aristocrate javanaise, pionnière du féminisme. Il existe cependant depuis le milieu du 19ème siècle, une production littéraire importante écrite dans un malais peu élaboré, surtout par des auteurs d’origine chinoise. En 1908, les autorités coloniales fondent la maison d’édition Balai Pustaka qui joue un rôle considérable en faisant paraître des romans modernes indonésiens. Souhaitant valoriser les valeurs occidentales, les livres publiés traitent des conflits de génération, de l’opposition entre modèle occidental, désirs individuels et traditions ancestrales. Les auteurs sont en majorité Minangkabau (ouest de Sumatra) (Marah Roesli, Sutan Takdir Alisjahbana…).

Les 20 premières années de l’Indonésie indépendante

Cette littérature moderne gagne en vitalité après l’indépendance (1945 à 1949) avec la « Génération de 1945 » (Chairil Anwar, Idrus, Mochtar Lubis, Pramoedya Ananta Toer, S. Rukiah, Sitor Situmorang…). Mais bientôt, en 1950, deux mouvements opposés voient le jour : « l’Humanisme universel » (auteurs soucieux de culture universelle, mais libres de la développer à leur manière en tant qu’Indonésiens) et « le Réalisme socialiste », Lekra, qui apparaît sur l’initiative du parti communiste indonésien, défend l’art pour le peuple et n’accepte l’artiste que si son travail contribue à l’avancement socialiste. Les débats, intenses, sont plus idéologiques que littéraires.

La dictature de Soharto

En 1965, un coup d’état accompagné d’une terrible et sanglante répression, instaure « l’Ordre Nouveau ». Le parti communiste est interdit. Les partisans du Lekra sont emprisonnés et leurs œuvres interdites. La longue période (32 ans) de dictature de Suharto est un véritable désert intellectuel et culturel.

Une bonne partie des auteurs actifs sont des « anciens », la « Génération de 1966 » (Ajip Rosidi, Nh. Dini, Goenawan Moehammad, Motinggo Boesje, Ramadhan K. H., W. S. Rendra, Taufiq Ismail, Umar Kayam…). L’édition connaît un grand développement. En prose : extension d’une littérature populaire : romans d’amour, d’aventure, de sexe (Motinggo Boesje et des femmes : La Rose, Marga T…), romans de guerre, romans régionaux, récits évoquant la corruption, la condition de la femme, la quête d’identité de l’individu…)

Mais, par rapport à la période précédente, on constate un désengagement des écrivains, une tendance à l’expérimentation formelle, particulièrement sensible au théâtre (W.S. Rendra) et en poésie (Sutardji Calzoum Bachri). Le symbolisme attire les poètes dont le thème dominant est la solitude (Taufiq Ismail). La prose compte de véritables novateurs avec Budi Darma (nouvelles absurdes), Danarto (écriture baroque), Iwan Simatupang influencé par le « nouveau roman », ou encore Putu Wijaya.

Après la dictature

Dès les premiers signes de l’effritement du régime de Suharto, au courant des années 1990, puis après sa chute en 1998, la créativité culturelle connaît une grande effervescence. Une nouvelle génération d’écrivains prend peu à peu la relève des auteurs engagés des années 1960, tout en proposant une littérature ancrée dans l’époque actuelle, qui se distingue par la liberté de ton avec laquelle elle traite de la politique, de la sexualité, de la religion ou encore des traditions. Plusieurs auteurs sont remarquables : Ayu Utami (une des plus réputées, notamment avec son roman Saman), Seno Gumira Ajidarma, Dewi Lestari, Goenawan Muhammad, Leila Chudori, etc. Parmi ces auteurs, on compte un nombre de femmes impressionnant, engagées politiquement, souvent journalistes, défendant les droits des minorités, analysant les travers de la société indonésienne, militant pour une liberté d’expression loin des normes et des tabous d’une société très marquée par les traditions, religieuse ou ethniques… Renouvelant les formes littéraires, elles apportent un grand courant d’air vivifiant, sans langue de bois et souvent avec beaucoup d’humour.

 la belle et rebelle créativité des femmes écrivainEs

Journée littérature(jeudi 28 août 2014, de 9h00 à 17h00) en présence de Okky Madasari et Olin Monteiro

Okky Madasari, née en 1984 à l’est de Java, est auteurE et journaliste. Après des études en relations internationales et sociologie, elle s’est faite connaître pour ses saisissants portraits sociaux et politiques de l’Indonésie contemporaine. Elle utilise l’écriture pour lutter contre toute forme de répression des droits de l’Homme et de la liberté. Elle a gagné le prestigieux prix littéraire Khatulistiwa en 2012 (à 28 ans !) pour son roman Maryam. Apsanti Djokosujatno, un des plus grand critique littéraire en Indonésie, la présente comme la « nouvelle Pramoedya Ananta Toer ».

Olin Monteiro est auteur, éditrice, productrice de documentaires, photographe et responsable d’ARTforWOMEN, une organisation féministe pour la culture, la littérature et l’éducation. Elle est activiste et chercheurE depuis 1993 pour les problématiques féministes et les questions de genre. Elle a fondé en 2006 PBP, une maison d’édition à but non lucratif pour des auteurEs femmes.

Les autres rendez-vous littéraires

La librairie éphémère

Constituée avec soin par une commission littérature durant toute l’année, la librairie du festival propose une sélection exigeante sur tous les thèmes du festival.

Ouverte Tous les jours de 14h à 22h, la librairie est dédiée aux peuples et aux personnes minorisées, aux questions d’identités, de communautés, de genre… avec plus de 700 titres : un pôle de propagation et de diffusion de la création la plus exigeante, qu’elle soit de fiction ou de réflexion, sans oublier les livres pour la jeunesse, les films en DVD ou la musique.

Le tripot linguistique

Tous les jours de 14h à 16h, à la librairie : jeux de langues, rencontres ludiques monolingues et bilingues, avec le breton, le bahassa indonésien, la LSF, le français, et toutes langues… avec Philippe Doray, linguiste.

 

Les Sourds et la littérature

Lecture signée en LSF du roman « Le cri de la mouette »de Emmanuelle Laborit.

Mercredi 27, à 15h à la MJC

 

Initiation Langue des signes

Ateliers pour les adultes, animés par Dominique Guernier

Lundi 25 et mardi 26 à 12h et à 13h à la MJC.

Ateliers ouverts à tous et gratuits.

Des lectures de textes poétiques

Lectures à la librairie, tous les jours à 17h, sauf les samedi, et le jeudi

lectures préparées par des personnes de la commission littérature ; extraits de textes indonésiens, coups de coeur… pour donner à goûter des styles et des langues (le programme détaillé sera affiché sur la place du festival, et dans la librairie… et annoncé chaque jour)


petits bouts de poésie :

 

Saut Situmorang

Poète nouvelliste et essayiste, il vit à Yogyakarta (Java centre), après avoir passé 11 années en Nouvelle-Zélande, où il s’est fortement impliqué dans le milieu de la poésie underground. Nombreuses publications en Indonésie dans des revues, blogs et recueils. En français : Les mots cette souffrance, éd Pasar Malam, 2012, traduction François-René Daillie.

Extraits :

Le chant d’amour de Sant Speedy Gonzales

 

l’amour est un chat de Birmanie qui traverse et sur qui ont tiré les gardes du corps des leaders de l’APEC

l’amour est le tampon que tu as pris pour un sachet de thé de Chine

l’amour est rouge et ardent comme un membre du parti communiste

l’amour n’est jamais ennuyeux sauf dans un film d’Hollywood

l’amour est dans l’air comme un pet toujours odorant et plein d’intérêt

l’amour est tout un cours de Jacques Derida et Michel Foucault assaisonné d’une giclée d’Alfred Hitchcock

l’amour est d ‘ordinaire aveugle et puéril et très très grec

l’amour est à présent multi-culturel et global avec l’anglais comme moyen d’expression

l’amour est réel comme un missile de croisière lancé d’un navire de guerre impérialiste américain

l’amour est sexy et beau comme un condom multicolore ayant déjà servi recyclé pour pays du Tiers-Monde

l’amour est une cigarette indonésienne aux clous de girofle fumée pendant un concert de Mozart

 

Rouge éclat de colère

 

« Donne au roi

ce qu’il te faut donner au roi

et à Dieu

ce qu’il te faut donner à Dieu »

 

mais comment

si le roi n’est pas roi

et s’il se croit pareil à Dieu ?

 

Les hommes décharnés

dont l’ombre aussi est décharnée

élèvent vers le ciel

les mains en haletant

souffle coupé

 

les prières montent dans l’air

telles des milliers de bulles vides projetées au firmament

frappent à la porte du ciel

et font trembler les nuages à sec de pluie

 

« jusques à quand faudra-t’il

continuer à donner

la sécheresse de nos os

nos ventres rétrécis dès lors

que la terre depuis longtemps n’est plus amie ? »

 

en mer une pédale de vélo

coincée dans le creux d’un récif

qu’assaille une odeur de sueur

telles des mouches sur un tas d’ordure en ville

 

les hommes décharnés

aux ombres décharnées

continuent de lever les mains

leur visage sombre rayé de larmes sèches

 

« donnez au roi… »

 

oiseau sans nom

toi qui comprends le langage des cieux

entends-tu de là-haut faiblement battre

notre coeur ? L’entends-tu… ?

 

Le riz pousse mais dépérit devient poussière

la sueur coule à sec et poussière devient

la mousson n’apporte que pluie de poussière

dans nos rêves aussi quand nous dormons

on ne peut fuit la poussière, la poussière…

mais dans les villes pleines

seulement de soldats, de soldats sans visage

les voix étrangères ne cessent de torturer

 

« donnez au roi … »

 

les hommes décharnés dont le sort est de l’être

ont désormais perdu patience

avec le ciel

leur souffle est comme un râle de buffle blessé

les villes brûlent,

carbonisées

sons leurs yeux rouges de colère !