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16 août 2025
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5 septembre 2025Clap de fin pour cette 47e édition du Festival de cinéma de Douarnenez. C’est un grand merci que nous voulons vous adresser aujourd’hui. De chaleureux remerciements aux 150 invité·es, aux 500 bénévoles, aux interprètes, aux partenaires, aux nombreux mécènes, aux équipes et évidemment aux festivalièr·es !
En attendant de trouver les mots justes et faire un bilan plus complet de cette belle édition, nous vous partageons les mots (traduction presqu’automatique) d’Eliane Brum pour un article sur la plateforme journalistique Sumaùma :
« Que se passe-t-il lorsque les Blancs apprennent à construire un monde avec toustes ?
Douarnenez, un festival de cinéma véritablement inclusif, écologique et citoyen, pas seulement destiné aux Français·es.
J’écris cette lettre profondément émue, les yeux baignés par l’eau salée, le goût du fleuve-océan qui baigne Douarnenez. Nous venons de quitter le Festival du Film dans cette ville de Bretagne, où nous avons constaté qu’il est possible de construire un monde ensemble, avec une réelle ouverture d’esprit.
Cette année, le festival avait pour thème les peuples d’Amazonie, et mon livre Banzeiro òkòtó, publié en français par les éditions du Sous-Sol en 2024, était présenté. J’étais accompagnée de Wajã Xipai, journaliste fôret de SUMAÚMA, basé sur le territoire indigène Xipaya, à Terra do Meio, dans l’État du Pará. Wajã a participé à la première édition de Micélio, notre programme de formation de journaliste fôret. En janvier dernier, il a été recruté par SUMAÚMA et ses reportages, écrits du point de vue de la nature, sont disponibles en trois langues.
Nous étions accompagné·es par l’incroyable Erika Campelo, d’Autres Brésils, une plateforme militante qui chronique la pluralité des territoires que nous appelons Brésil et qui traduit et publie fréquemment mes articles et les reportages de SUMAÚMA. L’interprète était l’excellente Mariana Freire. Nos mots ont traversé les corps généreux de ces deux femmes pour atteindre d’autres corps. La vie en mycélium.
Le catalogue du festival, traduit en français, comprend le manifeste de SUMAÚMA, un reportage dans lequel Wajã a enquêté sur les raisons pour lesquelles sa rivière verdissait, ainsi qu’un extrait de mon livre « Banzeiro òkòtó ». Lors du festival, j’ai pu évoquer les idées contenues dans mon livre et les moteurs de SUMAÚMA. Wajã a quant à lui pu parler de ce que signifie être journaliste fôret et de l’importance d’écrire depuis la forêt pour le journalisme et la lutte contre l’effondrement. L’intérêt était tel qu’il n’y avait pas assez de place pour tout le monde, et pourtant, ils nous ont écouté·es pendant des heures.
C’est vraiment magnifique, et nous sommes très reconnaissant·es à Yannick Reix, le directeur du festival, qui nous a invités et accueillis, ainsi qu’à tous celleux qui nous ont écouté·es. Mais ce qui me touche le plus, c’est de n’avoir jamais assisté à un festival aussi « réel ». Parler de « durabilité » et d’« écologie » est facile. Parler de « communauté » et de « faire avec la communauté » est facile. Parler d’« inclusion » est facile. Être véritablement écologique, communautaire et inclusif est bien plus difficile et malheureusement rare.
J’en ai assez d’aller à des festivals qui parlent de « durabilité » et qui servent tout dans du plastique, qui mettent la déforestation dans l’assiette, ou qui sont sponsorisés par des entreprises qui détruisent la nature (voir les projets de la COP30 et leurs financements) ; j’en ai assez de voir les organisateur·ices se vanter d’avoir un traducteur en langue des signes, comme si c’était là toute l’inclusion possible ; j’en ai assez de voir le mot « communauté » sans réelle accessibilité pour celleux qui n’en ont pas les moyens.
Pour la première fois de ma vie, j’ai eu un public composé d’au moins un tiers de personnes dites handicapées. Pour la première fois, des personnes sourdes sont montées sur scène pour me poser des questions. Pour la première fois, j’ai pu assister à des conférences données par des personnes sourdes sans avoir l’impression d’être dans un ghetto. Pour la première fois, j’ai vu des personnes handicapées participer activement à la communauté, et non pas seulement être « inclues » en marge par celleux qui se considèrent comme son centre. Pour la première fois, les traducteur·ices en langue des signes et les traducteur·icess pour les personnes malentendantes et malvoyantes m’ont rencontrée pour s’assurer qu’ils pouvaient traduire chaque mot avec précision. J’ai failli fondre de joie en voyant mes paroles traduites par une tape sur l’épaule pour quelqu’un à la fois malentendant·e et malvoyant·e. Ça, c’est du mouvement.
J’ai dû apprendre à communiquer avec des personnes malentendantes pour boire un cidre, manger un plat végétarien à base de produits locaux, ou simplement parler. Cela m’a fait réaliser que c’était la prochaine langue que je devais apprendre, car j’ai compris que ce handicap était le mien.
Si on voulait un gobelet en plastique parce qu’on était arrivé sans préparation, il fallait le payer 1 euro. Je n’ai vu personne défiler sans cesse des vêtements de marque. Nous devions gérer nos excréments et notre pipi en les recouvrant de sciure dans des toilettes biologiques impeccables. Écologie et « durabilité » n’étaient pas des mots creux et marketing. C’étaient des mots vécus comme des verbes conjugués au pluriel.
Nous avons été accueilli·es avec amour et joie par les habitant·es de Douarnenez, parmi lesquels la puissante Françoise Join, qui flirtait avec l’omniprésence. Nous avons été accueillis chez un charmant professeur d’université de langue et culture bretonnes, Stefan Moal, qui s’efforçait de parler portugais avec nous, toujours surveillé de près par une vieille Macieira, l’une des plus belles créatures que j’aie jamais vues.
La communauté était omniprésente au festival : elle faisait la vaisselle, cuisinait, assistait aux débats, accompagnait les visiteur·euses, chantait et dansait sur la place. C’était une fête, une vraie fête, où chacun·e avait sa place. Il y avait beaucoup de personnes âgées et beaucoup de jeunes, et ils n’étaient pas séparé·es les un·es des autres. Et parfois, lorsque je m’asseyais à la table commune pour manger, quelqu’un·e venait, mon livre à la main, me parler de ses sentiments en le lisant ou me poser des questions – et ce n’étaient pas des intellectuel·les classiques, mais des chauffeur·euses de bus et d’autres travailleur·euses.
Nous avons également vécu une expérience enrichissante sur une magnifique et ancienne sardinheira (bateau de pêche à la sardine) commandée par la capitaine Mathilde Hamon et avec un équipage majoritairement féminin. Grâce à la propulsion du bateau par les voiles, sans moteur, nous avons compris comment nous devenons partie intégrante du bateau et comment nous devons toustes évoluer en harmonie et en collaboration pour que le corps collectif puisse naviguer en toute sécurité. Je n’oublierai pas cette leçon, capitaine Mathilde !
Le Festival du Film de Douarnenez prouve qu’il est possible de se mouvoir collectivement, de construire une communauté, d’être véritablement inclusif et écologique. Il prouve également que même les descendant·es de colons, les Blancs comme moi, peuvent construire le monde ensemble lorsqu’iels comprennent qu’il est nécessaire de composer avec toustes. Cette communauté est déjà inscrite dans mon corps ; nous sommes à jamais lié·es. Je vous dis au revoir, pleine de joie, car je sais que le réseau que nous avons tissé est solide et continuera de s’étendre.
Trugarez vras, Douarnenez. »
Éliane Brum, Embouchure de la rivière Pouldavid, Océan Atlantique, Douarnenez, Bretagne, France. 22 août 2025
Le peuple à l’honneur pour la prochaine édition n’a pas encore été choisi. À l’automne, nous devrions en savoir plus. À tout bientôt et encore merci bras à toutes les personnes qui de loin ou de près ont pris part à cette belle aventure ! Kenavo





